Médecine de collectivités :
Stress, immunité et pathologies.
Pathologies des collectivités et bien-être animal.
Le lien entre les pathologies des
collectivités et la notion de bien-être / souffrance animale peut ne pas
sembler évident au premier abord. En effet, ces deux problématiques des
groupements d’animaux, bien que très souvent évoquées, sont presque toujours
traitées de manière indépendante et cloisonnée.
D’une part, on peut dresser une
« liste » de maladies (digestives, parasitaires, infectieuses,…) avec
leurs étiologies, symptômes, et traitements, et dans le cas des collectivités,
des stratégies médicales ou de conduite d’élevage pour les éviter. On notera
que dans tous les cas, ces pathologies ont un caractère cyclique et/ou
chronique sur lequel nous reviendrons plus loin.
D’autre part, le bien-être animal
peut se définir selon différentes approches. Une approche « affective » que chacun peut
définir selon sa sensibilité, souvent teintée d’anthropomorphisme. Une approche
scientifique qui définit, par des
critères mesurables et des études rigoureuses, les facteurs qui influencent le
bien-être des individus. Et une approche législative,
qui d’après les études précédentes définit les critères et les conditions
d’élevage et de transport de différentes espèces (surfaces et revêtements des
chenils, aménagements, etc…). Ces mesures législatives doivent assurer
l’absence de souffrance des individus dans une collectivité…elles sont connues
de tout professionnel.
Y-a-t-il un lien entre le
bien-être animal et la « liste » des pathologies des
collectivités ?
Bien-être animal et stress / stress et pathologies médicales.
Si l’on regroupe des différentes
approches du bien-être (affectif, scientifique et législatif) on peut synthétiser
la définition suivante : « le
bien-être animal est la possibilité pour un individu d’exprimer les
comportements propres à son espèces ».
Il y a dans cette définition une
notion de BESOINS qui sont hiérarchisés (Broom et Johson, 1993). A un premier
niveau : il s’agit de la liberté de manger, boire, dormir. A des niveaux moins "fondamentaux" : la possibilité d’avoir des activités
exploratoires, des interactions sociales, de vivre sans douleur ni maladie
(Hurnik et Lehman, 1985). Ainsi le premier lien entre bien-être et pathologies,
c’est que la maladie crée la souffrance. Mais nous allons voir également que le
manque de bien-être engendre la maladie.
Le lien qui fait qu’un animal en
situation de mal-être va développer une pathologie médicale, c’est le STRESS.
Le stress, dans sa définition
physiologique, est un phénomène adaptatif : il sert à rétablir un
équilibre lors de la modification de l’environnement d’un individu (Hans Selye,
1956).
Lors d’une modification soudaine de
l’environnement, le cerveau envoie des informations qui vont activer
l’hypothalamus. Cette glande va à son tour stimuler la glande médullo surrénale
par un neurotransmetteur. La conduction est extrêmement rapide puisqu’elle se
fait à la vitesse d’un influx nerveux. La finalité de cette chaine d’activation
est la sécrétion par la médullo surrénale d’une hormone libérée dans le
sang : l’ADRÉNALINE. Cette dernière va mobiliser les réserves énergétiques
de l’individu, stimuler sa vigilance et lui permettre de répondre au stimulus
stressant (fuite, agression, …) et de s’y adapter pour un retour à
« l’équilibre ». C’est la PHASE D’ALARME, ou STRESS AIGÜE.
Si l’agent stressant persiste ou
si l’animal n’a pas les capacités cognitives pour s’y adapter (pas de retour à
l’équilibre), la cascade nerveuse est modifié et aboutit au cortex de la glande
surrénale qui va libérer dans le sang des GLUCOCORTICOÏDE (cortisone
naturelle). Ces derniers permettent une mobilisation des réserves énergétiques
à long terme. C’est la PHASE DE RÉSISTANCE ou STRESS CHRONIQUE.
Enfin la PHASE D'ÉPUISEMENT apparait
lorsque l’animal ne s’adapte pas à son environnement et que ses ressources
physiologiques deviennent insuffisantes. Le taux de glucocorticoïdes circulant devient
excessif.
Les conséquences sont l’apparition de pathologies et de déficiences :
immunosuppression (Dantzer et Kelley, 1989), atteintes tissulaires, diminution de
la neurogenèse…
Stress et gastroentérologie
Les manifestations digestives les
plus fréquentes d’un stress chronique sont les vomissements et les diarrhées.
Les vomissements chroniques liés au stress, lorsqu’ils ont lieu à jeun, sont
liés à une acidité gastrique trop importante induite par la cascade hormonale
du stress. On parle de gastrite qui peut évoluer en ulcères de la muqueuse de
l’estomac.
Les vomissements survenant juste après une consommation d’aliments
ou d’eau en très grande quantité sont apparentés à des régurgitations et
doivent faire penser à des troubles anxieux de type boulimie ou potomanie. Il
faut évidemment exclure toute cause organique de vomissements avant de conclure
à une cause comportementale.
Les diarrhées liées au stress
sont très fréquentes. Elles peuvent être liées soit à l’effet direct du système
immunitaire sur les muqueuses digestives (côlon irritable) soit à une plus
grande réceptivité d’un individu aux pressions microbiennes ou parasitaires de
l’environnement à cause de la baisse de l’efficacité de ses défenses
immunitaires.
Stress et dermatologie
C’est la conduite d’élevage qui
détermine la pression écologique des ectoparasites sur la collectivité.
Néanmoins un stress chronique peut conduire à « dérégler » le système
immunitaire et exacerber les manifestations allergiques cutanées (puces,
allergies de contact, pollens...) et induire un prurit important et des lésions
dermatologiques majeures et récidivantes. A son tour, le prurit et la douleur
qu’il entraine peut induire une situation de souffrance…
En dehors de toute réaction
allergique, certaines lésions de la peau peuvent être causées par des
comportements auto centrés excessifs : on parle alors de plaies de léchage
bien souvent chroniques. Elles sont un signe majeur de mal-être.
Alopécie extensive féline psychogène chez un chat vivant exclusivement en intérieur et présentant de nombreux signes d'anxiété.
Stress et reproduction
De très nombreuses études
permettent de mettre en évidence un lien direct entre un état d’anxiété
chronique et des difficultés de conduite de reproduction. Les modifications
hormonales induites entrainent des retards de chaleur et/ou des saillies non
fécondantes. Dans ces situations, le développement comportemental des chiots,
au contact avec une mère anxieuse et dans un milieu non propice à
l’exploration, ne leur permettra pas de développer des capacités cognitives
optimales et de produire des chiots avec de bonnes capacités adaptatives.
Stress et pathologies virales
Comme vu précédemment, le stress
chronique induit une plus grande réceptivité des individus aux microbes et
l’expression de pathologies entre autres virales. Dans le cadre des
collectivités, le grand pouvoir de contagion des virus entraine souvent une
épidémie.
Si un individu nouvellement introduit dans un
élevage et non compétant face aux virus de ce système écologique développe des
symptômes (Toux de chenil, entérite virale…), il va excréter une très grande
quantité de virus qui vont contaminer l’ensemble de l’élevage.
Dans ce cas
c’est l’introduction d’un nouvel individu « innocent » qui modifie la
pression microbienne de la collectivité, et « seule » la gestion
d’élevage est à mettre en cause.
Mais en dehors de l’introduction d’un nouvel
individu, un animal immunodéprimé pourra avoir le même rôle
d’excréteur-contaminant pour toute la collectivité. Cette fois il faut
envisager l’hypothèse du stress chronique pour expliquer CES épidémies.
Mais ça n'est pas parce que le stress PEUT induire des maladies chroniques qu'il est systématiquement en causes dans les maladies collectives récidivantes!! Dans la suite de cet article, je développerai les signes comportementaux de stress qui peuvent être objectivés, les facteurs clefs sur lesquels peuvent porter les aménagements d'une refuge ou d'un élevage (isolement, hébergement, manipulations, manque de prévisibilité etc...)
Dr BOUVRESSE Antoine