samedi 12 octobre 2013

Domestication et tendances comportementales



 

LA DOMESTICATION DU CHIEN : Origines et conséquences



Le chien, Canis familiaris est un membre du genre canidé, (probablement descendant du Loup commun) domestiqué par l’homme dès la période préhistorique, qui comprend de nombreuses races. Comprendre les mécanismes de la domestication, c’est connaitre les moteurs qui ont participés à la création de l’espèce canine.

 


Les recherches archéologiques permettent d’identifier des ossements canins (par opposition aux ossements de l’ancêtre du chien) par des critères de proximité avec l’homme préhistorique ET par des critères morphologiques. L’apparition de la race canine, s’est accompagnée d’une réduction importante de la taille des individus (par rapport aux canidés sauvages). C’est la « Loi de Bergman » : le volume crânien et la dentition diminuent, la face se raccourcit. On considère que le plus ancien ossement de Canis familiaris découvert date de 14 000 av J.C. en Allemagne. Le développement de génétique moléculaire a permis de dater l’apparition de Canis familiaris à -12 000 à – 15 000 ans. Plusieurs populations de loups et des centaines d’individus auraient contribué à la création des chiens actuels, avec des retrempes importantes avec d’autres canidés sauvages.

Ces découvertes placent la domestication du chien à l’époque du Pléistocène, période de sédentarisation de l’homme primitif. Les localisations des sites archéologiques mêlant les chiens primitifs et humains sont éparpillés dans la zone du croissant fertile (Mésopotamie, Egypte…), en parallèle du développement des foyers de civilisations humaines.

APPRIVOISER un animal sauvage, c’est permettre à UN INDIVIDU de partager le quotidien des humains par des mécanismes d’APPRENTISSAGE.

LA DOMESTICATION est un processus qui s’adresse à toute une POPULATION : le support de ce mécanisme est génétique et il aboutit à la création d’une nouvelle espèce  domestiquée, adaptée à une association intime avec l’homme. « La domestication nécessite une forme de coexistence  entre une espèce et l’homme. Cela demande une PROXIMITE et durabilité entre les 2 protagonistes ».
 La sédentarisation est donc un point important pour la création de ce lien intime et durable, mais qu’est-ce qui a poussé l’ancêtre du chien à se rapprocher de l’homme et/ou de ses campements ? Quels motivations ont poussé à ce rapprochement et avec quels intérêts pour les deux parties ?


La chasse est souvent évoquée comme moteur de la domestication. Néanmoins il ne faut pas imaginer cette collaboration préhistorique comme une scène de chasse contemporaine : les comportements moteurs de prédation ne sont pas encore inhibés comme chez nos chiens d’arrêt actuels et cette association demande une collaboration bien trop complexe !  Mais l’Homme et l’ancêtre commun du chien ont bien partagé le même terrain de chasse.  Parfois c’est l’Homme qui suit un groupe de loup en chasse pour s’approprier son gibier (commensalisme inversé), parfois c’est le canidé qui s’approche du chasseur pour consommer les viscères du gibier qui vient d’être abattu. Il faut attendre les changements climatiques de la fin du Paléolithique et l’apparition du petit gibier pour qu’une véritable collaboration de chasse se mette en place


En revanche une nouvelle ressource alimentaire apparait avec les premiers campements humains : les DECHETS ! C’est une source de nourriture facile et fixe pour les canidés, dont les individus les moins craintifs vis-à-vis de l’homme vont pouvoir tirer un avantage évolutif certain : la sélection naturelle est en marche et les canidés sauvages, en colonisant cette nouvelle niche écologique, vont s’y adapter au fil des générations. Dans cette théorie « les loups se sont domestiqués eux-mêmes » par sélection naturelle. L’avantage est bipartite puisque le campement humain est nettoyé de ses déchets, évitant la prolifération de nuisibles et de maladies. Le comportement territorial du canidé permet également d’éloigner les autres animaux sauvages et peut-être de donner l’alerte !

Dans les tribus aborigènes contemporaines, de jeunes chiots et de jeunes louveteaux sont soustraits du milieu sauvage pour rejoindre un groupe humain. Par curiosité et amusement, ils sont élevés par les enfants. Les chasseurs-collecteurs du Néolithique ont pu adopter la même démarche. En bas âges et comblés de nourriture, nul doute que tous les éléments pour qu’un attachement se fasse entre le canidé et l’homme étaient réunis. Mais seuls ceux dont le caractère et le comportement étaient adaptés à la cohabitation avec l’homme ont survécu, les autres, trop agressifs ou craintifs ont été chassés ou plus vraisemblablement consommés. Dès lors, ce n’est plus la sélection naturelle qui opère sur l’évolution d’une espèce : c’est l’homme. C’est le schéma classique de la sélection artificiel: l’apprivoisement d’individus sauvages.

Peut-on envisager une fonction de gardien de troupeau pour le chien primitif ? Cette fois, la réponse est plus tranchée : c’est non. La raison en est simple : Canis familiaris est le premier animal domestiqué, donc en -12 000, il n’y a pas de troupeau…si ce n’est le chien lui-même qui aura pu être consommé en période de disette.
 
A partir du chien primitif, dont la morphologie semble proche de celle du chien Chanteur de Nouvelle Guinée, évoluent d’abord deux morphotypes : molossoïde et graïoïde. L’un est puissant et massif, destiné à garder maisons et troupeaux, l’autre est long, fin, rapide : c’est une machine à courir pour la chasse. Puis les variétés vont se multiplier avec les diverses fonctions qui leur seront confiées : l’évolution des techniques de chasse verra apparaitre, en parallèle, diverses catégories de chiens, dont le physique n’est que peu défini dans les écrits.

 En fait seule compte sa performance et les critères physiques ne sont induits que par la fonction qu’ils servent. Dès l’antiquité, on définit seulement cinq variétés de chiens dont … le petit chien de compagnie.

Ainsi pendant 15 000 ans (jusqu’au 18ème siècle) le port des oreilles et de la queue, la couleur de la robe ne sont que très peu décrits ou sélectionnés, surtout chez le chien de chasse. Le chien de garde doit être de couleur sombre ou noire pour qu’il soit « invisible la nuit et effrayant le jour ». Pour les chiens de compagnie, Le Mélitéen ou « Maltais » est caractérisé par une fourrure longue et soyeuse de couleur blanche, des extrémités fines et une taille réduite. Là encore, les critères morphologiques ne sont sélectionnés QUE pour servir une fonction !

Le passage de la notion de variété à la notion de RACE canine se fait en 1875 avec la création de Kennel Club en Angleterre. Dès 1876, la race « Bulldog » est DEFINIE par des critères morphologiques. Dès lors, la définition des races sur des critères morphologiques se généralise. Ce sont ces critères qui aujourd’hui définissent si un individu appartient à une certaine race ou s’il ne doit être retenu pour la reproduction parce qu’il présente, par exemple, une queue trop courte.

On peut conclure sur deux réflexions principales. 
La première est que 150 ans de sélections basées sur la morphologie n’ont pas effacé 15 000 ans de tendances comportementales qui étaient sélectionnées jusqu’alors. Il est donc capital pour les futurs acquéreurs de connaitre « l’histoire » de la race qu’ils envisagent d’adopter pour en comprendre les fondements comportementaux.
Un Jack Russel Terrier, malgré une taille similaire, n’est pas un Bichon. C’est à l’éleveur de les en informer. 

 La seconde réflexion est de savoir si l’on ne risque pas de mettre en péril le bien-être comportemental d’un individu en le plaçant dans un environnement incompatible avec ce que des milliers d’années lui ont apportés comme capacités comportementales qu’il ne pourra pas exprimer ou qui seront perçues comme des comportements gênants.



Dr Antoine BOUVRESSE
Vétérinaire

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