LA DOMESTICATION DU CHIEN : Origines et conséquences
Le chien, Canis familiaris est un membre du genre canidé, (probablement descendant du Loup commun) domestiqué par l’homme dès la période préhistorique, qui comprend de nombreuses races. Comprendre les mécanismes de la domestication, c’est connaitre les moteurs qui ont participés à la création de l’espèce canine.
Les recherches archéologiques permettent
d’identifier des ossements canins (par opposition aux ossements de l’ancêtre du
chien) par des critères de proximité avec l’homme préhistorique ET par des
critères morphologiques. L’apparition de la race canine, s’est accompagnée
d’une réduction importante de la taille des individus (par rapport aux canidés
sauvages). C’est la « Loi de Bergman » : le volume crânien et la
dentition diminuent, la face se raccourcit. On considère que le plus ancien
ossement de Canis familiaris découvert date de 14 000 av J.C. en
Allemagne. Le développement de génétique moléculaire a permis de dater
l’apparition de Canis familiaris à -12 000 à – 15 000 ans. Plusieurs
populations de loups et des centaines d’individus auraient contribué à la
création des chiens actuels, avec des retrempes importantes avec d’autres
canidés sauvages.
Ces découvertes placent la domestication du chien à
l’époque du Pléistocène, période de sédentarisation de l’homme primitif. Les
localisations des sites archéologiques mêlant les chiens primitifs et humains
sont éparpillés dans la zone du croissant fertile (Mésopotamie, Egypte…), en parallèle
du développement des foyers de civilisations humaines.
APPRIVOISER
un animal sauvage, c’est permettre à UN INDIVIDU de partager le quotidien des
humains par des mécanismes d’APPRENTISSAGE.
LA
DOMESTICATION est un processus qui s’adresse à toute une POPULATION :
le support de ce mécanisme est génétique et il aboutit à la création d’une
nouvelle espèce domestiquée, adaptée à
une association intime avec l’homme. « La domestication nécessite une
forme de coexistence entre une espèce et
l’homme. Cela demande une PROXIMITE et durabilité entre les 2
protagonistes ».
La
sédentarisation est donc un point important pour la création de ce lien intime
et durable, mais qu’est-ce qui a poussé l’ancêtre du chien à se rapprocher de
l’homme et/ou de ses campements ? Quels motivations ont poussé à ce
rapprochement et avec quels intérêts pour les deux parties ?
La chasse est
souvent évoquée comme moteur de la domestication. Néanmoins il ne faut pas
imaginer cette collaboration préhistorique comme une scène de chasse
contemporaine : les comportements moteurs de prédation ne sont pas encore
inhibés comme chez nos chiens d’arrêt actuels et cette association demande une
collaboration bien trop complexe !
Mais l’Homme et l’ancêtre commun du chien ont bien partagé le même
terrain de chasse. Parfois c’est l’Homme
qui suit un groupe de loup en chasse pour s’approprier son gibier
(commensalisme inversé), parfois c’est le canidé qui s’approche du chasseur
pour consommer les viscères du gibier qui vient d’être abattu. Il faut attendre
les changements climatiques de la fin du Paléolithique et l’apparition du petit
gibier pour qu’une véritable collaboration de chasse se mette en place
En revanche une nouvelle ressource alimentaire
apparait avec les premiers campements humains : les DECHETS ! C’est
une source de nourriture facile et fixe pour les canidés, dont les individus
les moins craintifs vis-à-vis de l’homme vont pouvoir tirer un avantage
évolutif certain : la sélection naturelle est en marche et les canidés sauvages,
en colonisant cette nouvelle niche écologique, vont s’y adapter au fil des générations.
Dans cette théorie « les loups se sont domestiqués eux-mêmes » par
sélection naturelle. L’avantage est bipartite puisque le campement humain est
nettoyé de ses déchets, évitant la prolifération de nuisibles et de maladies.
Le comportement territorial du canidé permet également d’éloigner les autres
animaux sauvages et peut-être de donner l’alerte !
Dans les tribus
aborigènes contemporaines, de jeunes chiots et de jeunes louveteaux sont
soustraits du milieu sauvage pour rejoindre un groupe humain. Par curiosité et
amusement, ils sont élevés par les enfants. Les chasseurs-collecteurs du
Néolithique ont pu adopter la même démarche. En bas âges et comblés de
nourriture, nul doute que tous les éléments pour qu’un attachement se fasse
entre le canidé et l’homme étaient réunis. Mais seuls ceux dont le caractère et
le comportement étaient adaptés à la cohabitation avec l’homme ont survécu, les
autres, trop agressifs ou craintifs ont été chassés ou plus vraisemblablement
consommés. Dès lors, ce n’est plus la sélection naturelle qui opère sur
l’évolution d’une espèce : c’est l’homme. C’est le schéma classique de la sélection
artificiel: l’apprivoisement d’individus sauvages.
Peut-on envisager une fonction de gardien de
troupeau pour le chien primitif ? Cette fois, la réponse est plus
tranchée : c’est non. La raison en est simple : Canis familiaris est le premier animal
domestiqué, donc en -12 000, il n’y a pas de troupeau…si ce n’est le chien
lui-même qui aura pu être consommé en période de disette.
A partir du chien primitif, dont la morphologie
semble proche de celle du chien Chanteur de Nouvelle Guinée, évoluent d’abord
deux morphotypes : molossoïde et graïoïde. L’un est puissant et massif,
destiné à garder maisons et troupeaux, l’autre est long, fin, rapide : c’est
une machine à courir pour la chasse. Puis les variétés vont se multiplier avec
les diverses fonctions qui leur seront confiées : l’évolution des
techniques de chasse verra apparaitre, en parallèle, diverses catégories de
chiens, dont le physique n’est que peu défini dans les écrits.
En fait seule
compte sa performance et les critères physiques ne sont induits que par la
fonction qu’ils servent. Dès l’antiquité, on définit seulement cinq variétés de
chiens dont … le petit chien de compagnie.
Ainsi pendant
15 000 ans (jusqu’au 18ème siècle) le port des oreilles et de la queue, la
couleur de la robe ne sont que très peu décrits ou sélectionnés, surtout chez
le chien de chasse. Le chien de garde doit être de couleur sombre ou noire pour
qu’il soit « invisible la nuit et effrayant le jour ». Pour les chiens de
compagnie, Le Mélitéen ou « Maltais » est caractérisé par une fourrure longue
et soyeuse de couleur blanche, des extrémités fines et une taille réduite. Là
encore, les critères morphologiques ne sont sélectionnés QUE pour servir une
fonction !
Le passage de la
notion de variété à la notion de RACE canine se fait en 1875 avec la création
de Kennel Club en Angleterre. Dès 1876, la race « Bulldog » est
DEFINIE par des critères morphologiques. Dès lors, la définition des races sur
des critères morphologiques se généralise. Ce sont ces critères qui aujourd’hui
définissent si un individu appartient à une certaine race ou s’il ne doit être
retenu pour la reproduction parce qu’il présente, par exemple, une queue trop
courte.
On peut conclure sur
deux réflexions principales.
La première est que 150 ans de sélections basées
sur la morphologie n’ont pas effacé 15 000 ans de tendances
comportementales qui étaient sélectionnées jusqu’alors. Il est donc capital
pour les futurs acquéreurs de connaitre « l’histoire » de la race
qu’ils envisagent d’adopter pour en comprendre les fondements comportementaux.
Un Jack Russel Terrier, malgré une taille similaire, n’est pas un Bichon. C’est
à l’éleveur de les en informer.
La seconde réflexion est de savoir si l’on ne
risque pas de mettre en péril le bien-être comportemental d’un individu en le
plaçant dans un environnement incompatible avec ce que des milliers d’années
lui ont apportés comme capacités comportementales qu’il ne pourra pas exprimer
ou qui seront perçues comme des comportements gênants.
Dr Antoine BOUVRESSE
Vétérinaire
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