mardi 8 octobre 2013

comportement et génétique (1 / 4) Congrès SNPCC 2013

 

Symposium SNPCC 7 septembre 2013
Le comportement du chien et du chat expliqué par les gènes ?



Par le Docteur Antoine BOUVRESSE et Sonia KISCHKEWITZ.

Des scientifiques (éthologue, vétérinaires, généticien) répondent à la question de la place de la génétique dans les comportements en s’appuyant notamment sur leurs travaux scientifiques. Le SNPCC et la SFC proposent un résumé succinct des différentes interventions de cette journée riche et passionnante.


Pr. Bertrand L. Deputte :
Brève histoire des idées reçues à propos de la relation 
entre gènes et comportements.
« they had a dream » « and their dream come true (roughly) »


« Ils avaient un rêve, et leur rêve est devenu réalité…ou Presque… ». Dans cette citation adaptée, « ILS » sont les évolutionnistes (Lamarck et Darwin) ET les éthologistes (Lorenz et Tinbergen : les fondateurs) qui ont cherché des relations de cause à effets entre le support génétique et les comportements observables. Au cours des décennies et avec l’évolution des connaissances les hypothèses sur le lien entre génétique et comportements ont beaucoup évoluées.


En 1809, Lamarck développe une théorie appelée « transformisme », souvent mise en opposition aux théories de la sélection naturelle. Dans la Philosophie zoologique (1809) il formule une théorie scientifique globale qui tente d'expliquer les transformations des êtres vivants dans leur progression du simple vers le complexe. Pour Lamarck, la matière a une tendance naturelle à se compliquer grâce aux "fluides" qui modifient le tissu cellulaire dans lequel ils se meuvent pour y ouvrir des passages, des canaux, pour y créer des organes.

1ere loi de Lamarck : l'emploi plus fréquent et soutenu d'un organe quelconque fortifie peu à peu cet organe, le développe, l'agrandit et lui donne une puissance proportionnée à la durée de cet emploi, tandis que le défaut constant d'usage de tel organe l'affaiblit insensiblement, le détériore, diminue progressivement ses facultés et finit par le faire disparaître."

2ème loi de Lamarck: Tout ce que la nature a fait acquérir ou perdre aux individus par l'influence des circonstances où leur race se trouve depuis longtemps exposée, et, par conséquent, par l'influence de l'emploi prédominant de tel organe, ou par celle d'un défaut constant d'usage de telle partie ; elle le conserve par la génération aux nouveaux individus qui en proviennent, pourvu que les changements acquis soient communs aux deux sexes, ou à ceux qui ont produit ces nouveaux individus.

On trouve donc dès 1809, alors que les supports de la génétique sont inconnus la notion d’adaptation entre un individu et la façon dont il interagit avec son environnement. La notion de TRANSMISSION d’une génération à l’autre est également clairement exposée dans la 2ème loi. Néanmoins, les thèses transformistes tendent vers le finalisme : « La fonction crée l’organe ».


Darwin (1809-1882), avec On the origin of species (1859), met ses pas dans ceux de Lamarck : « La variabilité est gouverné par de nombreuses lois que l’on ne connaît pas. Quelque chose pourrait être attribué aux conditions de vie ». MAIS la nature ne fait pas de saut : les modifications sont continues et ces transformations s’appliquent aussi bien à la morphologie, aux structures corporelles, qu’aux instincts (i.e. : les comportements). Il rajoute: « Aucun comportement complexe ne peut être produit par la sélection naturelle, excepté par l’accumulation lente et graduelle de nombreuses, minimes variation qui seraient profitables. »


Pour Konrad Lorenz (1903-1989) : à la suite de l’observation « sans préjugés » de la totalité des « expressions vitales » d’une espèce, il élabore la notion d’éthogramme : qui est une liste finie et déterminée de modèles d’actions (pattern behavior) et de réactions propres à une espèce.
Ainsi, “l’adaptation” est le procédé qui modèle l’organisme de telle sorte qu’il soit adapté à son environnement afin d’assurer la survie de cet organisme. Il est donc juste de considérer qu’un organisme acquiert des informations sur son environnement. Cette « information » est stockée au sein de l’organisme sous forme d’informations génétiques dans l’ADN de l’individu.
Concernant la dichotomie entre comportements innés et comportements acquis, Lorenz considère qu’il FAUT conserver cette dichotomie. L’inné = ce qui n’est pas appris et ce qui arrive avant que toute forme d’apprentissage se mette en place = adaptation, survie. Il existe alors un nombre donné de mécanismes de déclenchement pour un comportement inné.

Par exemple, la vision d’un prédateur en vol déclenche la réaction innée de fuite chez l’oie cendrée.


Tinbergen (1907-1988) insiste sur le caractère adaptatif par observation et expérimentation. Il se focalise sur la fonction de SURVIE et d’adaptation d’un individu mais aussi à l’adaptation à l’échelle de l’espèce. Tinbergen (contrairement à Lorenz) considère que les acquis (ou apprentissages) sont représentés par les différences observables entre deux individus évoluant dans le même environnement.
Les comportements « instinctifs », « innées », stéréotypés, ou « fixed actions pattern » (FAP) seraient déclenchés par des combinaisons de stimuli spécifiques (= « innate mechanism »ou IRM : « innate releasing mechanism »). Il y a un déclencheur face auquel l’animal engage un comportement spécifique.

Par exemple, une oie cendrée a pour comportement inné de ramener son oeuf près d’elle en tendant le coup et en le rapprochant. En remplaçant l’oeuf par un autre objet (par exemple un ballon de basquet !), l’oie présentera le même comportement «instinctif » de le rapprocher.




Comportement de quémande du goéland argenté, Larus argentatus.
 Quel est le stimulus qui induit poussin à piquer la tâche rouge du bec du parent en absence de toute expérience préalable ? (IRM ?)
En changeant la couleur de la tâche, Tinbergen montre que la couleur rouge est la plus piquée par le poussin, mais que les autres couleurs déclenchent également des réactions !
Tinbergen établit ainsi la méthode des « leurres » dans les approches expérimentales de terrain. Ce travail, fondateur pour l'éthologie, a établi une méthode expérimentale dans l'approche du déclenchement d'un comportement adaptatif.
MAIS il a fait l'objet de nombreuses critiques méthodologiques…



Schneirla et Lehrman envisagent le rapport inné/ acquis comme une interaction « nature / nurture ». Les apprentissages (=acquis) vont augmenter les variabilités entre individus. La base héréditaire (=l’inné) n’est qu’une base (une potentialité héritée) à partir de laquelle un individu va trouver sa variabilité en fonction de ses expériences et qui sera par la suite soumise à la sélection naturelle.
 

Génétique et comportement sont comme l’inné et l’acquis : fondamentalement opposés mais dans les faits, profondément indissociables. Mais les avancées dans le domaine de la génétique ouvrent la voie à de nouvelles questions : peut-on envisager une relation de causalité directe entre 1 gène et 1 comportement? « Comment les gènes contrôlent-ils un comportement inné ? » (RH Scheller & R. Axel 1984)

 
L’Aplysie (Aplysia punctata) ou lièvre de mer, est un mollusque possédant un système nerveux central (SNC) composé de 4 paires de ganglions céphaliques et d’un volumineux ganglion abdominal. En tout seulement 200 000 neurones composent ce système nerveux central. Chez l’Aplysie, le comportement de ponte est complexe mais stéréotypés, relevant des « fixed action patterns ».
En injectant différents broyats de SNC chez des Aplysie immatures, on constate qu’elles reproduisent le même pattern behaviour de ponte. Un peptide est isolé, mais il ne reproduit pas la totalité de la séquence de ponte….Il manque quelque chose ! En fait il y a 3 facteurs qui contrôlent l’ensemble de la séquence. On n’est pas dans le schéma 1 gène / 1 comportement mais (3 gènes, 1 comportement). De plus, 1 de ces 3 peptides est aussi lié au déclenchement du comportement alimentaire (1 gènes, 2 comportements !).


BERNSTEIN (1978) : Etudie les différences comportementales entre mâles et femelles. Les gènes du chromosome Y contrôlent la sécrétion précoce d’androgènes qui vont influencer le développement cérébral et comportemental des mammifères. MAIS la contribution relative de l’environnement et de la génétique ne sont pas identifiable sans que l’on décortique l’ensemble des évènements qui vont influencer et / ou déterminer tel ou tel comportement.

Dans une étude datant de 2010 (Sex related variation in human behavior and the brain), Melissa HINES donne des voitures et des poupées à des singes mâles et femelles. Les femelles prennent préférentiellement les poupées, les jeunes males prennent plutôt les voitures. DONC le culturel dans l’attribution des jouets chez l’homme, n’est peut-être pas QUE culturel ? Il n’y a toujours pas de réponse sur l’influence totale de l’exposition aux androgènes pré-natales. Tout n’est donc pas résolu dans l’étude du déterminisme entre gènes d’un chromosome bien identifié et un comportement donné.


Le cladogramme des martinets asiatiques est un contre-exemple de lien direct entre génétique et comportement. Ces arbres phylogéniques sont construits sur les variations génétiques d’un cytochrome l’ADN mitochondrial. Ces mutations permettent de déterminer les liens de parenté entre les différentes espèces. De plus, il y a des différences entre espèces sur la manière de construire le nid (i.e. : des différences comportementales) : avec de la salive, de la boue, sur support horizontal ou vertical. MAIS il n’y a pas de correspondance entre le cladogramme et les traits comportementaux de construction du nid, alors qu’on aurait pu s’attendre à ce que les espèces les plus proches génétiquement construisent leur nid de manière plutôt similaire.
DONC il n’y a pas de déterminisme complet entre la phylogénétique et le comportement. Il est donc douteux de vouloir établir des relations phylogéniques uniquement à partir d’observations comportementales.

Darwin puis K. Lorenz (Man meets dog : tous les chiens, tous les chats, 1954) ont commis cette erreur historique. Vu l’immense variabilité du chien, il leur semblait « inconcevable » qu’il n’y ai pas au moins 2 espèces –mère. Les chiens issus du chacal auraient gardé un caractère juvénile, alors que les chiens descendant du loup auraient conservé la loyauté envers leur maitre comme le loup dans sa meute.


Ce sont Scott et Fuller (1965) (Genetics and social behavior of the dog) qui vont étudier, à l’échelle des différentes RACES canines les relations génétique / comportement en observant pendant près de 13 ans plus de 500 chiens de 5 races pures et leurs croisements. Tous sont élevés dans les mêmes conditions environnementales. Ils notent une énorme variabilité interindividuelle intra-race malgré un milieu standardisé. Pour eux les différences sont de nature génétique puisque les facteurs environnementaux sont standardisés. Pour presque toutes les variables étudiées ils mettent en évidence des différences significatives entre les races étudiées !
Par exemple, lors de tests de motivation (labyrinthe), 2 races se distinguent par leur manque de motivation: le Basenji et le Berger des Shetland.

Mais derrière….Scott et Fuller ne font pas de génétique. Car dans les analyses entre gènes et comportement, il faut choisir une « unité comportementale » précise à étudier. Mais laquelle ?


« L’accent doit être mis chez le chien sur des recherches sur la relation entre génétique et comportement du fait de la diversité des races et du suivi systématique des descendants des géniteurs, à travers les pedigrees ». Beaucoup d’études analytiques et descriptives étudient le caractère plus ou moins agressif de tel ou tel race. Mais quels sont les mécanismes sous-jacents ? Physiologiques ou neuro génétiques ? : Comment des gènes contrôlent-ils le comportement ?




 Dr Antoine BOUVRESSE et Sonia KISCHKEWITZ
Pour la SFC
D'après la conférences du Pr. B. L. DEPUTTE
Symposium SNPCC 2013, Lyon.

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